LES DERNIERS JOURS D’AGATHA VON BRAUN
Ultime agenda.
Des feuilles de calendrier arrachées jonchant le sol au dos d’un paravent déjà meurtri, ainsi que des feuilles mortes s’échappant du plafond, annonçant un automne précoce constituent le décor de cette maison sans doute superbe autrefois, mais désormais envahi par un lierre grimpant préfigurant cimetière, tout est mourant dans ce lieu, à commencer par la maîtresse des lieux, Agatha, qui ne comprend pas pourquoi son calendrier s’arrête le 14 novembre...
Ainsi décrit, le spectacle peut sembler morbide ; il n’en est rien…
Car c’est bien à une comédie que nous invite Francesca Lo Bue et son partenaire Joachin Nicolas Cozzetti, alias Archiboldo, majordome muet animé de mouvements étonnants, d’une gestuelle à pleurer de rire. D’autant plus qu’elle devient contagieuse.
Mi reptile rasant le sol, mi pantin désarticulé, ils nous offrent ensemble un ballet ahurissant, proche du contorsionnisme.
Attentif et précautionneux, ce serviteur zélé passe ses journées à servir à Agatha sur une petite table où trône une plante desséchée en phase terminale, des tasses de thé identiques et blanches, tout en balayant les feuilles mortes tombées du ciel.
« Je veux faire un tour de gondole ». Il n’y aura ni Venise, ni gondole, mais un joli tour de manège dansant.
« Archiboldo, allons chercher de la Barbe à papa ». C’est ce qui s’appelle retomber en enfance, avant de mourir… en beauté !
Même la plante a changé : de moribonde, elle éclate de santé !
Cette bluette italienne romantico–satirique délicieuse, que les deux comparses traversent allègrement, nous emmène dans cet univers ténu entre la naissance et la mort, deux extrêmes inéluctables pour tout être humain (du moins encore aujourd'hui..., avant que l'IA ne fasse tout à notre place...), parcours de vie pouvant s'interrompre à tout moment, certes, mais sans doute pas sous les ordres d'un calendrier qui aurait soudainement décidé de perdre ses feuilles...
Mais la complicité grandissante entre ces deux partenaires dont on comprend peu à peu que le sentiment amoureux croissant entre eux va « balayer » à son tour la mort qui rôde, va changer la donne, pour notre plus grand bonheur.
La compagnie Lo'Co a choisi d'en rire en toute poésie, par l’absurde raisonnement qui permettrait d'inverser le déroulement du temps en inventant une autre histoire : celle d'un homme et d'une femme qui, au hasard d'un coucou mural rendant l'âme, d'une plante qui en fait tout autant, pourraient, en contournant les obstacles par des acrobaties malicieuses, retrouver une forme de sérénité. Quoi de mieux que de le faire à deux!
Véronique Blin
Photos: Christian Haerrig
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